« Comment résonnent des paroles dites à voix haute, mais que personne n'entend à part celui qui les prononce ? Moi, je les entends. Pour moi, elles résonnent comme toute chose, les murmures, les cris de plaisir et de douleur des hommes ou des animaux, le bruissement presque imperceptible des épis de blé vert. »
Bien davantage qu'un roman de guerre, Drach est une fresque intemporelle sur les puissances déchaînées d'Éros et de Thanatos, où la Silésie, terre méconnue, mystérieuse, âpre, se révèle comme un écheveau d'histoires, de peuples et de langues. Au-delà d'une région que se sont disputée Allemands, Russes et Polonais, c'est la terre qui est le coeur de toute chose : non pas tant la terre des ancêtres que la matière elle-même, celle que creusent les mineurs pour gagner leur vie et les soldats pour échapper à la mort. La narratrice omnisciente qui déroule ici les fils d'existences fragiles, celles de deux familles silésiennes au cours du XXe siècle, c'est l'esprit de la terre : Drach. Et si son regard s'élève peu à peu, en contre-plongée, le lecteur, lui, descend pas à pas dans l'obscurité la plus fondamentale. Ce qui n'empêche pas le roman de déployer toute la virtuosité allègre d'un récit d'aventures.
Twardoch joue de la présence en un même lieu de différents langages, de différents parlers, tandis que tout se noue entre les corps, dans le désir et la violence. La plume de l'auteur est à la fois vive et mordante pour décrire les passions et les visages, les menus faits du quotidien, les noces, les batailles sanglantes, depuis l'aube du siècle dernier jusqu'à l'ère des écrans.
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