Exploitant au mieux le « moment postal » (1860-1970) qui a fait de la correspondance privée un vecteur majeur de la subjectivité, de l’ordre familial et des rapports sociaux, Jean-Pierre Warnier retrace la microhistoire d’un couple bourgeois, de sa parentèle, de ses intérêts matériels, de son style de vie à l’Age des extrêmes : ceux des deux guerres mondiales, de la Grande Crise, de l’effet de ciseaux entre le nazisme et le bolchevisme qui prend en otage la société française de la première moitié du XXe siècle. Aux antipodes des interprétations culturalistes ou structuralistes, il restitue l’historicité de cette dernière. Il place sous une lumière toute en nuances ses conflits, ses indéterminations, ses ambivalences, ses hésitations, ses retournements. Il apporte des informations inédites sur le catholicisme antimoderne qui a joué un rôle méconnu au sein du patronat français de l’entre-deux guerres et de la reconstruction, notamment dans la création du Centre des jeunes patrons (CJP) et du CNPF, et sur l’influence millénariste, dans ces milieux, de Marthe Robin, la mystique de Châteauneuf-de-Galaure, dans la Drôme, et de son confesseur le Père Finet, avant que ne s’affirme la puissance idéologique du modèle américain. Au-delà de cette belle leçon d’histoire sociale et culturelle qui permet de mieux comprendre le conspirationnisme de la droite conservatrice et réactionnaire en ce début de XXIe siècle, Jean-Pierre Warnier affine son anthropologie historique et compréhensive du politique qui avait déjà excellé dans l’analyse des royaumes de l’ouest du Cameroun. Attentive à la culture matérielle et aux techniques du corps, sa méthode fournit un antidote salubre à l’«escroquerie intellectuelle » de la définition libérale du sujet performant et manageur de lui-même.
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