Nous vivons une dérégulation sans précédent de la langue politique,
celle des discours des partis, des "débats de société", des
experts invités dans les médias à "décrypter" l'actualité.
Quelques querelles récentes sur la laïcité ("ouverte" ou "fermée", "positive",
"restrictive" ou "inclusive"), sur la république et la démocratie, sur
la nation et la citoyenneté, les immigrés et les immigrants, en sont des
illustrations parmi d'autres. À leur manière, elles disent très bien la
confusion des sens qui s'établit dans la sphère publique à la faveur des
stratégies de communicants, des éléments de langage répétés en
boucle, de la réduction des enjeux et des défis à des slogans qui servent
à marquer les positions des uns et des autres sans dessiner de véritables
propositions politiques.
Car s'ils peuvent signifier un renouvellement nécessaire des catégories
d'intelligibilité d'un monde en pleine transformation et une compétence
linguistique accrue offerte à chacun d'entre nous dans la participation
aux affaires publiques, ces changements lexicaux et conceptuels
peuvent aussi recouvrir une véritable dépossession démocratique
en nous enfermant dans des alternatives simplistes, des questions mal
posées et des perspectives théoriques sans issue.
Il sera ici question de Race et de Civilisation, de Multiculturalisme et
de Nation, de Dévouement et de Corporatisme, de Populisme et de
Citoyenneté, de Terrorisme et de Victime, etc.
Réalisé par des politistes, des sociologues, des historiens et des
archéologues, ce dictionnaire a pour ambition de décrire ce que sont
réellement ces concepts apparemment familiers, ce qu'ils disent des
hommes et des contextes, ce qu'ils nous obligent parfois à penser et ce
qu'ils font à nos sociétés. Il veut en proposer des usages enfin critiques.
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