La Bible de mes dix ans se résumait à un mince petit
ouvrage cartonné, L'Histoire sainte, qui racontait les relations
agitées de quelques héros de temps très anciens et
d'un Dieu interventionniste qui se disait lui-même jaloux et
prompt à la colère.
Des décennies plus tard, ma Bible d'homme parle du (et
au) monde entier. Amoureuse et nomade, elle m'a entraîné
en Terre sainte, chez les imprimeurs du ghetto de Venise, à
Doura Europos, dans les champs de coton de la Bible belt,
à Babylone, sur les pentes du mont Ararat, chez les Amish,
dans les grottes de Qumran, sur les traces des chasseurs
d'Éden qui traquent sans relâche le Paradis perdu d'Adam
et Ève, etc. Mes étoiles pour ce grand voyage dans le temps
et dans l'espace ont été toutes ces Bibles dont la vie m'a
permis de tourner les pages : la Bible des pauvres, la Bible du
Diable, la Bible paysanne, la Bible de Voltaire, la Bible
d'argent, la Bible de Marcel Carné, la Bible du dernier des
Mohicans, la Bible low cost, la Bible de l'Homme noir qui
assure que, de Moïse à Jésus, tous les personnages
bibliques étaient noirs, sans oublier la Bible des Gédéons et
enfin la bouleversante Bible-vitrail que Chagall fit en mémoire
d'une jeune fille noyée.
D.D.
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