Alors que j'étais psy dans une ville dorée, asphyxiée par un désespoir ambiant, sans pensée ni beauté, j'ai « lâché » mes patients, pour partir vers l'inconnu d'une ville blanche, où je me mettrais à chanter. Ce que j'ai vécu comme le passage, décrit par Kierkegaard, de l'éthique au religieux, acte de foi absurde, « en rien », sinon en la grâce de vivre. Où l'on apprend à vivre de presque rien, « comme l'oiseau des champs et le lys des vallées ». Où ce qu'on appelait l'amour devient reliance, non plus seulement aux humains, mais aux animaux, aux morts, au cosmos. On se met alors à écouter les oiseaux comme de vrais vivants, et, un instant, c'est le réenchantement du monde.
Mais à la joie d'être là, dans la lumière, se mêle l'angoisse insoutenable d'avoir à mourir. Et sentir que « tout est plein de dieux », n'empêche pas, parfois, une solitude abyssale - un manque d'intime à en crier. Où l'amour reste à inventer, dans le tissage de territoires partageables, de singularité à singularité, rugueuses et irremplaçables. Sans illusion, mais faisant place à une autre façon de vivre l'absolu. Où l'amour amoureux, au lieu de nous fermer au monde, devient ouverture radicale. Où à travers quelqu'un, on finit par tomber amoureux du monde.
Un texte délibérément inclassable, passant avec désinvolture de l'intime à la métaphysique, de Deleuze aux penseurs de l'Inde ancienne, et du récit à la poésie.
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