La publication de cet ensemble d'écrits de Camille Bryen (poèmes, essais, articles, inédits, entretiens), piéton infatigable de Saint-Germain-des-Prés entre les années 1930 et 1970, révèle un auteur singulier, à l'écart du bruit conventionnel. Il ne cessa d'explorer les arcanes du langage (par les images, dans la matière des mots) jusqu'à sa dissolution dans l'illisible, dans le signe et le geste, allant de l'écriture à la désécriture, préférant l'espace du tableau, par-delà les mots, bien trop cloués dans le code.
Bien plus connu et reconnu comme peintre et dessinateur, il traversa les expérimentations de son temps (dada, surréalisme, abstraction, expressionnisme abstrait, lettrisme, art brut et tachisme) sans jamais se fixer dans un quelconque style ; inventeur de cartographies imaginaires multicolorées et selon des gestes pulsifs impromptus, toujours à la recherche d'une langue inconnue, non linguistique, multidimensionnelle (il consignait dans les années 1930 le Manifeste dimensioniste de Sirato). Partisan, sans parti pris, d'un « art autre » (annoncé par son ami Michel Tapié qui fit connaître à Paris le Gutaï japonais), il fut « abhumain » avec Audiberti et « saventurier » avec Boris Vian, adepte de la « poésie naturelle » (il publie en 1948, une anthologie aux éditions K).
Il croisa tous ceux qui s'éloignaient des sentiers battus, comme Duchamp, Picabia, Arp, Artaud, Wols, Hains et Villéglé et publia chez des éditeurs amis à l'écart : Soleil noir, PAB ou Iliazd et dans des revues marginales, Phases ou La Tour de Feu.
Traversant le temps, dans le plein vide, Bryen dérailla, en riant, vers le sans sens illimité.
La collection L'écart absolu, dirigée par Michel Giroud en collaboration avec Xavier Douroux, se consacre aux formes de pensées novatrices, dans les arts, dans le domaine social et spirituel, refusant la frauduleuse séparation entre la transformation sociale et l'innovation esthétique.
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