Instrument indispensable à toute gouvernance, forgé sur le modèle des pratiques des agences de notation financière, l’évaluation a étendu son empire à tous les domaines, tous les métiers, tous les instants, tout, vraiment tout, de la naissance à la mort. Et elle n’a cessé de prouver, de toutes les manières possibles, son inopérante bêtise et sa dangerosité. Pourtant, elle n’est jamais démentie : elle promet encore plus, si l’on évalue encore… Pour comprendre ce qui ne va plus, ce qui ne doit pas continuer, il faut s’intéresser à l’outil universel de l’évaluation : les grilles. Nous, citoyens, administrés, professionnels, étouffons derrière les grilles. Il faut coûte que coûte entrer dans les cases. Il faut réduire chacun de nos actes à une série d’items pour qu’ils soient quantifiables, performants. Ce que nous faisons les uns et les autres n’a plus de sens : nous ne reconnaissons plus nos vies dans la représentation du monde ainsi formaté. Les grilles produisent un monde surveillé qui élimine toute inventivité, toute nouveauté, tout espace de liberté. Un monde mort… Ne restons pas plus longtemps enfermés derrière les grilles d’évaluation.
Directrice de recherche au CNRS, Barbara Cassin, philologue et philosophe, est membre de l’Appel des appels (dernier ouvrage : La Nostalgie, Autrement, 2013).
Avec les contributions de : Éric Alliez, Didier Bigo, Laura Bossi, Serge Bronstein, Fernanda Bruno, Catherine Caleca, Barbara Cassin, Julie Caupenne, Marie-José Del Volgo, Nathalie Georges-Lambrichs, Yves Gingras, Roland Gori, Jean-Jacques Gorog, Daphné Marnat, Christine Nicoulaud, Albert Ogien, Peter Osborne, Marie-Blanche Régnier, Claude Schauder, Christian Védie, Catherine Vidal.
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