Saisir le réel dans sa profusion, dans son chatoiement : telle est la recherche que poursuivent les différents Etats des lieux dressés par Pierre-Alain Tâche. Consigner des instants de rencontre avec un paysage, où la vision poétique fait figure de révélation, estompe miraculeusement la durée incertaine du quotidien et rend à l'espace sa lisibilité. Depuis L'Etat des lieux publié en 1998, un parcours se dessine peu à peu, alliant le proche au lointain, qui égrène des lieux (de Prague à Grenade, de la Crète à la Roumanie, en passant par la France) élus par l'émotion qu'ils suscitent et la trace qu'ils laissent dans la mémoire. Parcours qui se prolonge dans le Nouvel Etat des lieux (2005), mais le poète, accordé au secret des choses, sait toutefois que l'instant reste précaire et le lien tissé avec le monde, fragile.
Le Dernier Etat des lieux poursuit ce cheminement, referme la trilogie en conservant émerveillement et réflexivité. On retrouve ici le rêve d'une circulation au sein du réel, d'une adhésion légère et fluide au visible. Mais les lieux visités par le passé, une fois retrouvés, peuvent rester muets et le monde, éclairé par l'envers de notre finitude, n'être plus qu'étrangeté ; la saisie pourrait n'être qu'un effleurement, nous laissant les mains vides et le coeur stupéfait. Le Dernier Etat des lieux formule l'aveu âpre et paradoxal de l'impuissance et de l'ignorance finale du poète devant « l'énigme des choses ». Une tension se fait jour alors entre suspens inquiet et ouverture à l'inconnu, acceptation de « l'obscur », de « l'incertain » et désir de renouvellement :
et je ne sais s'il faut prôner l'obscur
afin de préserver le chant profond,
qui macère, ou s'il suffira
de passer lentement son chemin
pour s'allier la sève d'un printemps
qui surpasse en splendeur
les floraisons d'un poème rêvé.
Marie Frisson
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