«Le sujet déprimé ne veut pas donner au passé un sens nouveau
en fonction d'un avenir : l'avenir, il se refuse à l'imaginer.
Il répète, comme chacun d'ailleurs. Mais lui tient à ce que
cette répétition soit un retour du même. Je force ici à peine le
trait. Il peut très bien reconnaître assez vite que c'est bien là sa
position. À preuve le fait que, lorsque quelque chose de favorable
surgit dans son existence, de façon généralement inattendue,
il peut entrer dans le plus grand désespoir.
Pourquoi en est-il ainsi ? Vous comprendrez que je ne peux vous
éclairer d'un seul coup sur ce type de mécanismes. En revanche,
ce que je me proposerai de faire, dans une prochaine lettre,
c'est de commencer à vous parler de l'évolution historique de
notre rapport au temps. Vous verrez qu'elle n'est pas étrangère
aux questions de notre clinique.»
Sous la forme d'une série de lettres adressées à celui qui fut,
dans Clivage et modernité (érès, 2003), son interlocuteur, l'auteur
tente de situer quelques éléments structuraux de ce qu'aujourd'hui
nous nommons dépression. Ce diagnostic est en effet
fréquemment évoqué pour qualifier des difficultés subjectives
diverses. Faut-il lui contester toute pertinence ? La dépression
présente-t-elle une unité, au moins à un certain niveau ? Plutôt
qu'humeur sinistre, elle apparaît comme un désinvestissement
radical du désir, associé à une paralysie de l'action, qui conjoint
l'impuissance et l'utopie. Retrouvant ici ce par quoi Lacan caractérisait
«la grande névrose contemporaine», l'auteur, dans
une écriture littéraire, à la fois rigoureuse et accessible, rend
compte de cette «maladie du siècle».
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