Des médecins, à l'Âge classique, observent le visage
humain, et tentent d'y deviner les passions de l'âme ; des savants,
dans les premières décennies du XIXe siècle, déchiffrent le corps
du monstre, et y perçoivent un semblable. Des curieux se pressent,
au siècle des Lumières, au spectacle d'un homme sans bras
ni jambes, vêtu à la Turque, qui tourbillonne, le sabre au clair,
sur le pavé parisien ; les foules de la Belle Époque, à la Foire du
Trône, se massent sur le seuil des musées de cires anatomiques,
qu'elles déserteront bientôt. Des soldats américains, durant la
Guerre d'Irak, posent devant des prisonniers dénudés...
Ce sont là quelques-uns des corps que l'on croise dans ces
pages, quelques-uns des regards qui les scrutent et qu'interroge
le travail de Jean-Jacques Courtine, dans un parcours qui
traverse l'histoire du visage, celle du corps, celle de la virilité. On
y sent à chaque pas la présence de la pensée de Michel Foucault,
entendue, discutée ; ses concepts - énoncé, formation discursive,
dispositif... - questionnés. Le livre partage avec le travail
foucaldien un paradoxe fondateur : lorsqu'on y interroge
l'énigme de la chair, ce sont tout autant l'épaisseur sédimentée
du langage et les incessants déplacements du regard qui répondent.
Pas d'histoire du corps qui ne soit une archéologie des
discours et une généalogie des regards.
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