De lait et de miel. Au premier regard, quand il la rencontre en 1957 à la
sortie d'un concert au bénéfice des réfugiés hongrois, le narrateur sait qu'il peut
offrir à Zsuzsanna une vie de lait et de miel. Avec cette jeune femme volontaire et
lumineuse, qui a fui Budapest et sa révolution manquée, il a en commun l'expérience
de l'exil et, chevillé au corps, le désir de construire un avenir possible. Arrivé en
France quelques années plus tôt, il a lui aussi échappé à l'étau de l'histoire.
Parvenu au soir de sa vie, il se remémore son long combat contre le typhus, dans
un hôpital de fortune, après qu'à l'automne 1944 il a quitté précipitamment avec son
ami Stefan la ville de Temesvar que se disputaient les puissances ennemies. Roumain
du Banat, d'origine française pourtant, il ne s'est jamais senti tout à fait chez lui dans
cette Champagne où avec Zsuzsanna devenue Suzanne il a fondé une famille. D'autant
que la malédiction d'un drame intime n'a pas tardé à rattraper ces deux-là, qui
avaient tant voulu oublier les traumatismes collectifs.
Le vieil homme, qui se confie par bribes à son fils Gabriel, aimerait trouver l'apaisement.
L'on comprend à quel point Stefan lui a manqué pendant tout ce temps. Leur
séparation sur un quai de gare à Budapest soixante ans auparavant le hante toujours...
Dans ce deuxième roman, Jean Mattern construit avec justesse et maîtrise l'histoire
intime d'un double exil. Tissant avec une grande subtilité sentiments et sensations
diffuses, il donne corps à des personnages d'une émouvante vérité.
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