Tous les ans, à la première lune de l'automne,
Djennifer Goranitzé se rend au bord de la mer, sur une
immense décharge d'ordures où le corps de son mari
a été jeté par les militaires. Elle se repose après les épreuves
de son voyage qui a duré des semaines. Et ensuite, elle appelle
son mari, Nathan Golshem. Elle l'appelle pendant des jours
et des nuits, elle frappe la terre avec les pieds, avec des
morceaux de ferraille, avec les mains, elle danse.
Elle construit pour eux deux une hutte avec des débris, pour
qu'ils soient de nouveau ensemble, pour qu'une fois encore
ils se retrouvent et partagent du temps amoureux,
des souvenirs inventés et de la mémoire amoureuse.
Elle danse jusqu'au sang, jusqu'à ce que Nathan Golshem
revienne du néant et s'allonge sous la hutte. Il n'y a personne
sur la côte, seulement quelques chiens et des mouettes.
Très loin le chuchotement des vagues brise le silence.
Djennifer Goranitzé et son mari ferment les yeux sous le ciel
étoilé et, de nouveau, ils se parlent et ils plaisantent. Avec une
bonne humeur qu'aucune lamentation ne vient contrarier,
ils évoquent leurs camarades d'infortune, les combats
constamment perdus, les martyrs, les déroutes, les crimes
dont ils ont été témoins, victimes ou coupables. Ils rient,
ils s'aiment, ils ne savent plus très bien à quel niveau de vérité
ou de mensonge se situent leurs anecdotes terribles.
Ils échangent tout. Il n'y a plus entre eux ni mémoire,
ni absence de mémoire. Seule persiste la danse des corps,
des paroles et des morts en face de la nuit. Seule cette
obstination de l'amour : la danse de l'éternel retour.
Roman
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