En janvier 2014, les hauts fonctionnaires, les gouverneurs des régions, les cadres du parti Russie unie recevaient un cadeau singulier de la part de l'administration présidentielle : des ouvrages philosophiques de penseurs russes des XIXe et XXe siècles. Le président Poutine avait cité ces auteurs dans des discours décisifs, et on devait comprendre ce qu'il avait dans la tête.
Il faut imaginer ces personnages imposants, habitués des restaurants chics et des belles voitures, peinant sur ces pages emplies de spéculations sibyllines. Les plus persévérants y trouvèrent des formules qui résonnaient étrangement : le rôle du guide de la nation dans une démocratie authentique, l'importance d'être conservateur, de veiller au maintien des valeurs traditionnelles, d'ancrer la morale dans la religion et surtout de glorifier la mission historique du peuple russe face à l'hostilité millénaire de l'Occident.
Comme une concordance des temps, on en était toujours là en 2022. Et c'est l'Ukraine qui, cette fois encore, après l'annexion de la Crimée et le soutien des séparatistes du Donbass, allait payer le prix fort de la réécriture de l'histoire, de l'ethnonationalisme. Cette Ukraine qui n'a pas droit à l'existence puisqu'elle a tourné le dos, attirée par l'Occident, à la « Rous », la « Terre russe » dont elle fait partie avec la Russie et la Biélorussie. Et comme « dire c'est faire ». Poutine a envoyé ses troupes semer la terreur et la désolation comme en Syrie, pour libérer la population ukrainienne du joug de prétendus « néonazis ».
Isolé dans un monde parallèle, Poutine n'a pas vu que sa croisade barbare contre l'Ukraine allait lui faire perdre plus que son âme - la Russie, redevenue pour le monde sidéré la « prison des peuples »...
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