Dans les grands moments de leur histoire, les peuples formulent des projets toujours en avance sur les exigences immédiates de leur époque. La révolution française fait déjà la critique du capitalisme, alors qu'elle n'ouvre en fait que la voie de son développement. Les révolutions russe et chinoise, au-delà du rattrapage du retard de leurs sociétés, s'assignent l'objectif de construire une société nouvelle, sans classes. Les reculs fatals qui suivent, imposés par les conditions objectives du temps, ne doivent pas faire oublier que l'humanité n'avance qu'à travers ces grands moments.
Il y a cent cinquante ans Le Manifeste communiste entrevoyait la nécessité de dépasser le capitalisme, alors encore dans sa pleine jeunesse. Aujourd'hui, la maturité des contradictions produites par ce système - l'aliénation marchande, la destruction de la nature, la prodigieuse polarisation de la richesse mondiale - a mis à l'ordre du jour le dépérissement de la loi de la valeur. C'est pourquoi l'affirmation du marché comme régulateur exclusif de la gestion sociale - l'utopie vulgaire du capitalisme qui inspire l'air du temps - doit être sans lendemain. Au-delà des réponses post-modernes timides au défi, qui légitiment la soumission aux exigences du moment immédiat, Samir Amin propose ici une lecture moderne du Manifeste.
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