Au grand Cosme de Médicis qui s’enquerrait du meilleur chemin pour atteindre la félicité, le philosophe Marsile Ficin répondit par une longue lettre, qui initia une vaste correspondance avec les plus grands noms du siècle : trois générations de Médicis, dont Laurent le Magnifique, le cardinal Bessarion, les Pazzi de la conjuration, les poètes Ange Politien, Giovanni Cavalcanti... Des proches du philosophe platonicien que ce dernier assiste, tel un nouveau Sénèque, dans leurs efforts pour faire leur métier d’homme. L’échange de lettres, pour persévérer au jour le jour sur la voie de la perfection, devient l’acte philosophique par excellence, amorçant tout un travail de l’âme sur elle-même, sur les décisions qu’elle doit prendre, sur le monde qu’elle doit sculpter. La pensée syncrétique de Ficin, porte-parole de la philosophia perennis, trouve dans les lettres son style particulier et son objet privilégié, la pratique. Dans sa forme, elle tient plutôt de l’ancienne parénétique que de la scolastique. Ficin s’intéresse à l’éducation, à la vie civile, aux exercices spirituels et aux efforts quotidiens que font les hommes pour se rendre dignes de leur créateur. Peut-être la lecture de Ficin devrait-elle commencer par celle de l’Epistolarium, plutôt que par la Théologie platonicienne : ces lettres constituent en effet une propédeutique et inscrivent l’homme dans une progression qui le mène de la sphère étroite de son individualité jusqu’au tout et à l’Un. Passant par la série des expériences de l’unité ici-bas (action vertueuse, banquet, politique, mais aussi échange épistolaire), Ficin prépare son lecteur à l’expérience ultime de l’union au divin.
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