On connaît les propos de Max Jacob : les amis ne se choisissent pas, ils se
«polarisent», et de leur amitié, comme d'un baptême, naît un homme nouveau.
Écrire à un ami est donc un acte de création continuée et une communion avec
l'autre, dans la présence réelle des feuillets de papier. Les mots crépitent sur la
page, et l'écriture, substitut de la voix, émet des ondes qui se propagent Dieu sait
jusqu'où.
Le Laboratoire central, Odeur de poésie, Les Étoiles dans l'encrier... Ces titres
empruntés à des recueils de Max Jacob et d'André Salmon s'appliqueraient tout
aussi bien à leur correspondance. Avec une indifférence complète aux hiérarchies
admises, ils y parlent de tout et sur tous les tons : de Dieu, de la guerre, du dernier
prix Goncourt, de l'air du temps à Paris, à Quimper ou à Saint-Benoît. Les potins,
les faits divers sont transmués par une alchimie poétique dont chacun détient la
formule. Les clins d'oeil, les jeux de mots à double ou triple entente, les pastiches
et les parodies constituent le fond de ces échanges. Les termes les plus pauvres
entrent dans la ronde des sons, des rythmes, et les soucis de la vie quotidienne
voisinent avec les considérations esthétiques ou les professions de foi. C'est
ainsi que deux hommes, infiniment complexes, qui se connaissent à merveille,
échangent moins des confidences que des signes de complicité, sous les yeux du
lecteur ébahi et perplexe.
J. G.
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