Liés d'amitié dès le milieu des années trente, mais fondamentalement
opposés par leurs idées, Hannah Arendt et Gershom
Scholem ne cessèrent, plus de vingt ans durant, d'échanger
des lettres chargées de passion entre New York et Jérusalem. Entre eux,
Walter Benjamin, le très cher ami commun dont la mort en 1940 hante
cette correspondance de bout en bout.
Celle-ci témoigne d'abord des débats qui enflammèrent les intellectuels
juifs (et pas seulement eux) après le génocide : les Juifs doivent-ils
former un État distinct fondé sur la judéité ? Doivent-ils au contraire
s'assimiler dans les pays où ils résident ? Scholem soutient la première
option, Arendt la seconde.
C'est ainsi qu'entre 1939 et 1963, le cabbaliste et la philosophe confrontent
leurs opinions sur la judéité, le sionisme, l'actualité politique,
leurs écrits respectifs, mais aussi le destin des Juifs, tandis qu'après la
guerre ils s'engagent l'un et l'autre dans le sauvetage des bibliothèques
et des archives pillées par les nazis. Jusqu'à quel point le deuil des morts
et le combat pour la survie du judaïsme fondaient-ils leurs relations ?
Ce débat passionné s'achèvera sur une rupture, Scholem ayant les
mots les plus durs pour la façon dont son amie avait rendu compte en
1963, dans la presse américaine, du procès Eichmann. Était-elle devenue
à ses yeux une «mauvaise juive» ?
Plutôt se taire que se déchirer.
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