Paulhan - Armand Petitjean
Correspondance 1934-1968
« Il va sans dire que lorsque la question se posera : les quelques centaines de lettres qu'il m'a écrites sont à la disposition de celui, celle ou ceux qui assumeront la responsabilité de son " héritage " littéraire » (Lettre 695). Ce post-scriptum de la lettre d'Armand Petitjean écrite le 10 octobre 1968 au lendemain de la mort de Jean Paulhan et reçue par Dominique Aury, dernière compagne du directeur de La Nouvelle Revue française, reflète bien la prescience historique et la sensibilité de l'auteur. L'édition de ce corpus de presque sept cents lettres constitue le témoignage d'un véritable échange entre les deux hommes qui s'échelonne sur plus de trente ans, de 1934 jusqu'à 1968.
Le lecteur assiste de près ici à une véritable et passionnante aventure intellectuelle à travers la période la plus turbulente du vingtième siècle, pour y gagner une perspective sur les promesses et les déceptions politiques, les défis et les impasses historiques du lendemain des journées de février 1934, le Front populaire, l'Anschluss, la crise de Munich, la « Drôle de Guerre », la défaite et l'Occupation, à travers la Libération et les débuts de la guerre froide, pour continuer jusqu'à la résurrection de La NRF en 1953 et, après la crise algérienne, l'établissement de la Ve République. Indissociable de cette aventure intellectuelle, et actrice aussi capitale que les deux hommes, s'illustre La NRF elle-même, déjà bien établie en tant qu'institution politico-culturelle.
Qu'apprend-on à la lecture de ces lettres, en sus de leur inestimable valeur historique ? Par-dessus tout, il s'agit de l'amitié, d'une amitié, dont on n'a pu jusqu'ici juger la profondeur. Dès le début, les deux hommes ont conscience d'être sur la même longueur d'onde. Comme dans toute grande amitié qui dure, il y a pourtant des querelles et même des menaces de rupture. Des différences vont les opposer, notamment sous l'Occupation. Tour à tour, les lettres révèlent l'humour partagé, la franchise, la fidélité, l'intelligence de cette amitié, en dépit des colères, des vicissitudes, des réconciliations qui la mettent à l'épreuve.
Aléas du destin, aléas de l'histoire, complicités et discussions, exigences à l'égard de soi, à l'égard de l'ami, affection indéfectible : la correspondance de ces deux hommes nous livre enfin ses richesses, sa complexité humaine et historique.
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