«Croissance croissance croissance...» Il y a quelque chose de pathétique et de comique
à la fois, chez ces dirigeants qui guettent le ciel financier comme des météorologues,
dans l'espoir d'un coin de ciel bleu. Qui ouvrent les entrailles de la relance comme
des pythies.
La croissance, c'est la croyance de l'époque. Aussi avons-nous rencontré Jean Gadrey,
un économiste contre LE dogme.
Fakir : Dans son dernier discours, en moins d'une minute, François Hollande
prononce huit fois le mat croissance et quatre fois le mot confiance.
Là, on est un peu dans l'incantation, l'invocation d'une puissance céleste,
on lie le psychologique à l'économique...
Jean Gadrey : C'est comme si l'on pratiquait le voudou pour que la croissance
revienne. Mais elle ne reviendra pas. Nous vivons sur cette image du gâteau,
le Produit intérieur brut (PIB), qui doit grossir. Et si ce gâteau ne grossit pas,
on ne pourra pas en donner aux plus pauvres, même des miettes...
C'est une image excessivement trompeuse.
D'abord, à qui ont profité les dix années, 1997-2007, de belle croissance aux
USA ? Aux 10 % et surtout aux 1 % les plus riches, les parts étaient de plus en
plus inégales.
Et surtout, le gâteau qui grossit sans cesse, il est de plus en plus bourré de
substances toxiques, d'actifs toxiques. Il est de plus en plus empoisonné.
Et donc, partager un gâteau empoisonné, qui ça fait vraiment saliver ?
Voilà ce que nous cachent les discours enflammés prônant le «retour à la
croissance». Jamais ils ne s'interrogent : n'y a-t-il pas contradiction entre
la poursuite dans la voie du «toujours plus» et le règlement des grandes
questions, du climat, de la biodiversité, ou de la pauvreté dans le monde ?
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