Inaugurée avec L'Iniquité, suivie de Vers la Réparation, la première réédition, après un siècle d'oubli, de la somme monumentale de Georges Clemenceau consacrée à l'Affaire Dreyfus, se poursuit avec Contre la Justice, réunion chez Stock en 1900 des articles écrits et publiés dans L'Aurore entre le 12 décembre 1898 et le 31 mars 1899.
Continuant jour après jour sa campagne pour exiger la révision du procès du capitaine condamné en 1894 à la déportation perpétuelle, Clemenceau, salué par Octave Mirbeau, Charles Péguy, Anatole France, Marcel Proust et Léon Blum, s'acharne à démasquer les menées retorses des politiciens au pouvoir et finit par obtenir, d'un parlement apeuré, le vote d'une loi de « circonstance », rétroactive, destinée à dessaisir la Chambre criminelle de la Cour de cassation jugée favorable à la cause de Dreyfus afin d'étendre la révision à l'ensemble de la Cour suprême. D'où le titre, Contre la Justice, « qui peut paraître étrange, sinon même choquant », comme le souligne Jean-Denis Bredin dans sa préface.
Face à un nouvel abaissement du pouvoir civil devant les machinations incessantes des faussaires de l'État-Major pour étouffer la vérité, face aux mensonges et aux menaces d'une violence inouïe de la presse réactionnaire et antisémite, Clemenceau hisse au plus haut niveau le débat fondamental entre le respect des principes républicains et les forfaitures commises au nom de la raison d'État.
Nouvelle illustration du rôle capital de Clemenceau dans l'Affaire, ce troisième volet nous restitue non seulement l'histoire rigoureuse du drame qui a secoué la France, mais surtout offre au lecteur d'aujourd'hui un aspect méconnu de la prodigieuse destinée du Tigre. Un tel engagement confirme le jugement d'Hannah Arendt, magnifiant dans Les Origines du Totalitarisme. Sur l'antisémitisme, l'apport décisif de ce fabuleux pamphlétaire pour défendre l'idéal républicain : « La grandeur de la position adoptée par Clemenceau est qu'il ne combattait pas une erreur judiciaire en particulier, il se battait pour des idées « abstraites » : la justice, la liberté, le civisme, ces idées qui avaient été au coeur du patriotisme jacobin d'autrefois (...) ». Une telle apologie des valeurs démocratiques aide à mieux saisir la haine du régime de Vichy ordonnant le 4 avril 1941, par un décret signé Darlan et Carcopino (sous l'autorité de Philippe Pétain, qui devait son bâton de maréchal à... Clemenceau !), le retrait de cette oeuvre majeure du dreyfusisme de toutes les bibliothèques publiques de France.
Enrichie de quatorze articles parus dans La Dépêche, mais non retenus par l'auteur, en 1900, cette nouvelle édition de Contre la Justice est établie et annotée par Michel Drouin, comme pour les volumes précédents. Mémoire du Livre publiera les quatre tomes suivants au cours des années à venir. Prochain volume : Des Juges.
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