Sulfureux: si cet adjectif peut s'appliquer à un livre, c'est bien à celui-ci. Imprimé, selon les dires de son auteur, et en raison de son contenu, à douze exemplaires seulement, il jouit très vite d'une discrète notoriété parmi les esprits libres de l'Europe savante, et fut «réimprimé» aux Pays-Bas dès 1677.
«Vouloir déchiffrer les actions des princes», c'est-à-dire mettre à nu les ressorts de leur pouvoir - du pouvoir en général - hors toute justification ou alibi métaphysique ou moral, tel est l'objet de ce livre. Le propre du pouvoir étant, aux yeux de l'observateur détaché, de se fonder sur la violence et la dissimulation, et de n'avoir qu'un seul ressort: persévérer dans l'être.
Projet risqué, imagine-t-on sans peine, pour le familier des cours que fut Gabriel Naudé (1600-1653). Secrétaire du cardinal de Bagni, dans la Rome baroque, puis, à Paris, de Mazarin (pour lequel il mit sur pied la bibliothèque que nous connaissons), estimé de Christine de Suède (qui lui demanda d'établir sa propre bibliothèque), Gabriel Naudé est l'une des figures les plus complexes du cercle des libertins érudits, que l'on se propose ici de révaluer.
Théorie de la dissimulation, les Considérations ont aussi bien pu se lire comme une justification du pouvoir absolu que comme un traité de la servitude volontaire, et un manuel de la ruse du faible contre le fort.
Les Considérations politiques sur les coups d'État prennent place avec les Confessions de Jean-Jacques Bouchard et le Petit traité sceptique de François de La Mothe Le Vayer, dans la «Bibliothèque des Libertins Érudits» du Promeneur.
Le texte des Considérations est précédé de l'essai séminal de Sainte-Beuve sur Naudé, et suivi d'un choix de Naudaeana, fragments publiés sans nom d'auteur, après la mort de Naudé, en 1701.
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