Conscience et existence

Le temps n'est plus aux clivages partisans entre les différents courants de la pensée phénoménologique. C'est pourquoi ce livre plaide en faveur d'une complémentarité entre une analyse des phénomènes à la lumière d'une conscience vécue de l'intérieur et d'une existence qui assume sa dépendance vis-à-vis des événements lui arrivant de l'extérieur. L'examen plus précis de cette complémentarité fait apparaître, cependant, que la différence essentielle entre ces deux démarches ne se résume nullement à une opposition entre un parti pris pour l'immanence ou pour la transcendance et encore pour la phénoménologie ou pour l'ontologie, mais qu'elle engage une interrogation sur le parcours, linéaire ou circulaire, de l'analyse phénoménologique ainsi que de la vie subjective elle-même.

Si la dynamique de cette vie du sujet est essentiellement affaire de désir - accompli, contrarié, questionné ou annihilé par autrui - il s'impose de croiser la pensée phénoménologique avec celle de la psychanalyse. Comment, en effet, traiter du désir de connaître et de bien penser, d'une vérité donnée avant d'être comprise, d'une vie imaginaire en marge de la vie effective, d'une temporalisation qui est à la merci de la survenue de l'inattendu, de l'incarnation de la conscience sous l'effet d'un regard étranger, de l'appel traumatisant de l'autre qui menace la sur-vie du sujet, sans se souvenir de Freud et de Lacan?

Tout en présentant les enjeux essentiels de la phénoménologie husserlienne sur la base des publications les plus récentes - de la réfutation du psychologisme jusqu'à la proclamation de l'idéalisme transcendantal -, la première partie de ce livre anticipe constamment sur les développements que la deuxième partie consacre à certains aspects de la pensée de Sartre, Gadamer, Merleau-Ponty et Lévinas. Sans vouloir attribuer leur compréhension de l'existence subjective, rendue vulnérable par son exposition aux attentes, invitations et souffrances des autres, à un commun héritage husserlien, nous espérons montrer combien elle éclaire, en retour, des questions ouvertes au sein de l'oeuvre de Husserl et qui, sans elle, risquent de passer inaperçues.

R. B.