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Lorsque Clara Goldschmidt, née en 1897 à Paris, rencontre André Malraux, elle a 24 ans, une enfance heureuse à Auteuil, de l’argent, une famille juive-allemande cultivée, cosmopolite. Lui a 19 ans, une famille dont il ne dit rien, une allure de « petit rapace hérissé à l’œil magnifique » selon Mauriac, il a tout lu et peu vécu. Le nouveau livre de Dominique Bona raconte la vie passionnée et tumultueuse d’une femme, dans le miroir d’une grande histoire d’amour. Quand Clara dit longtemps « Nous », André Malraux lui répond surtout « Je ». Ils furent deux, en effet, au Cambodge et à Angkor lorsque le futur auteur de La voie royale, mué en voleur de statues khmères, écope de trois mois de prison ferme et que Clara bataille à ses côtés pour obtenir sa libération. Deux en Afghanistan, en Iran, au Cachemire, au Japon, à New York, partout où ce couple indissociable dirige ses pas ; puis trois à la naissance de Florence Malraux, juste avant le prix Goncourt obtenu en 1933 pour La Condition humaine. Deux aussi dans les engagements politiques de l’avant-guerre, en URSS, en Espagne où Clara aide Malraux à relever le magnifique défi de l’escadrille Espana. Viennent les dissensions et la solitude, et la souffrance pour une femme courageuse qui pourrait confesser, telle l’héroïne de son roman Grisélidis : « Vous n’avez pas le droit de m’abandonner puisque vous êtes irremplaçable ». En 1937, Malraux et Clara divergent politiquement, et au privé l’écrivain tombe amoureux de la belle Josette Clotis. Résistante dès 1941, fidèle d’un cercle d’intellectuels parmi lesquels Edgar Morin ou François Fejtö, Clara traverse difficilement la guerre en juive clandestine, sa fille au plus près d’elle, alors que Malraux observe les choses à distance, avant de faire sa métamorphose sous les traits gaullistes du colonel Berger. Le couple divorce en 1947. Elle, révoltée, généreuse, militante, prête à tous les combats, dont celui de la guerre d’Algérie. Lui, ministre de De Gaulle, chargé des affaires culturelles en 1958, inquiétante figure repliée dans les songes de grandeur, écoutant Les Voix du silence plutôt que les cris des torturés d’Alger. Clara, découvrant la civilisation du Kibboutz, retrouve ses racines en Israël. André, crépusculaire, chez Louise de Vilmorin, devient le seigneur de ces Chênes qu’on abat. Il meurt en 1976, elle en 1982, sans avoir jamais cessé de porter le nom de l’homme qu’elle a aimé « contre vents et marées ».