Qui ne s'est demandé, levant les yeux vers un ciel étoilé, considérant son abyssale profondeur, quel sens avait l'existence ? Kant a formulé cette interrogation sous forme de réponse : deux choses, dit-il, remplissent le coeur, « le ciel étoilé au-dessus de moi et la loi morale en moi ». Cette pensée gravée sur la tombe du philosophe, Kant la formula plusieurs fois au cours de sa vie. Il y revient comme à un horizon où brille la conviction de la destination morale de l'humanité. Mais elle reste somme toute énigmatique. Cet essai en propose une lecture interne à la pensée kantienne puis interroge sa portée.
Par son insistance et son inscription de l'insondable, elle conjure en effet une inquiétude. La béance de la nuit laisse entrevoir un abîme inadmissible pour le sens : c'est le hors-sens absolu que l'univers suggère à la pensée. Si Kant part du sentiment du sublime, le mûrissement de sa réflexion le conduit d'ailleurs à confronter le cogito des étoiles aux violences de l'histoire et à l'indifférence de la matière. Et l'épreuve intime du vieillissement lui rappelle sa dépendance envers le corps. La considération du ciel étoilé se retourne dès lors contre le regard kantien. Elle n'est plus tant le seuil d'expression d'une foi morale que celui d'une éthique de l'incertitude où le sens, coupé de toute justification transcendante, ne peut être fondé que par lui-même. Alors que l'expérience du ciel cosmique disparaît aujourd'hui sous la pollution et l'envahissement technologique, ce sont de nouvelles Lumières, celles du soin et de l'éthique du sens partagé, qui doivent percer au sein d'une histoire qui répand les ténèbres.
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