Les «mangeurs de forêts» ont mauvaise réputation.
Parce qu'ils défrichent chaque année une parcelle
de végétation avant d'y mettre le feu, les agriculteurs
montagnards d'Asie du Sud-Est seraient les premiers
responsables de la déforestation. Culturellement distincts
de leurs voisins des plaines, ils font aussi figure
de populations arriérées, incapables d'abandonner
des pratiques qui les maintiendraient dans la
pauvreté. D'où la nécessité de les déplacer et de
les regrouper dans les vallées, pour les «sédentariser»
et les «développer». Tel est en tout cas le discours
des États, souvent relayé et cautionné par les institutions
internationales et les médias.
Pourtant, l'agriculture sur brûlis n'est pas toujours et
partout une aberration écologique ou économique.
Chez les montagnards khmou du Nord-Laos, il s'agit
d'un véritable mode de vie et non d'une technique
de survie. L'agriculture sur brûlis exprime leur rapport
à la nature, inspire leurs catégories mentales et
leur système symbolique. Elle participe de la reproduction
des liens sociaux dans les maisons et les villages.
Elle structure enfin les relations qu'ils entretiennent
avec leurs voisins et avec l'État.
Ces «chroniques des cendres» restituent leur vision
du monde et retracent l'histoire des relations inter-ethniques
au Nord-Laos. Elles témoignent aussi des
liens complexes tissés par les minorités avec
l'État-nation dans ce pays et de l'ampleur des recompositions
sociales et territoriales en cours dans le
contexte post-communiste contemporain.
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