Quand est-ce que
tout cela s'est réellement passé ? Je veux dire : quand est-ce que, dans mon pays, une partie de mes concitoyens a estimé que le meurtre d'autres concitoyens était devenu « normal », sinon « moral » ?
Quand est-ce que mon pays, l'Algérie, de solidaire qu'il était, de rétif à l'humiliation parce que si longtemps humilié, de joyeux avec son humour grinçant n'épargnant personne et surtout pas les puissants, comment ce pays que je croyais connaître est-il devenu le lieu où de tels massacres ont pu être commis sans provoquer un seul soulèvement de citoyens déferlant dans les rues et clamant :
« Assez, nous ne voulons plus de cette horreur qui supplicie nos bébés, nos femmes, nos vieillards, nos chanteurs, nos penseurs. Nous ne voulons plus de l'assassinat érigé en offrande à Dieu. Nous ne voulons plus de l'ignominie et de la flétrissure, qui nous défigurent en tant qu'individus et en tant que nation » ?
A. B.
Anouar Benmalek est né en 1956. Il a été l'un des fondateurs, après les émeutes d'octobre 1988, du Comité algérien contre la torture. Il a déjà publié
Les Amants désunis (Calmann Levy, 1997), prix Rachid Mimouni,
L'Enfant du peuple ancien (Pauvert, 2000) prix RFO et prix RTBF, et
L'Amour Loup (réédité chez Pauvert en 2000).