En 634, les musulmans débordent les frontières de la Chrétienté. Celle-ci forme encore un ensemble unitaire incarné par l'Empire romain d'Orient, que nous nommons Byzance. Son souverain, lieutenant de Dieu, prétend à l'universalité politique et religieuse héritée de Constantin. Pourtant, les divisions chrétiennes sont bien réelles : des «hérésies» dominent les provinces orientales, tandis que l'Occident chrétien s'est fractionné en royaumes «barbares» que Constantinople, la Nouvelle Rome, a vainement tenté de plier à son obédience.
L'attaque musulmane, que l'Empire interprète comme une offensive contre tous les chrétiens, aurait pu les inciter à s'unir. Mais les musulmans, malgré eux, exacerbent plutôt les divisions chrétiennes : en libérant les communautés «hérétiques» du Levant d'une tutelle impériale oppressive, ils les sauvent probablement, malgré les nombreuses conversions qui les affectent ensuite.
Deux siècles de confrontation guerrière apprendront à Byzance que l'entente avec le voisin musulman est possible ; et elle se révèlera indispensable quand l'Occident, que l'Islam en expansion n'avait guère atteint qu'en péninsule Ibérique, s'ébranle pour délivrer les Lieux saints, bousculant ses frères grecs au passage, avant d'aller détruire leur empire en 1204.
Ainsi les musulmans ont-ils contribué à l'éloignement toujours accentué des diverses communautés chrétiennes. Puis ils deviennent, avec les Ottomans, le seul recours d'une Orthodoxie menacée par un danger qu'elle ressent comme beaucoup plus grave : la perte de son identité au sein d'une Chrétienté unique, mais dominée par l'Eglise romaine.
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