Les Indiens paysans d'Amérique latine sont-ils menacés d'« ethnocide » ? Sont-ils inéluctablement condamnés à perdre leur exotique altérité qui a enchanté des générations de folkloristes et d'ethnologues ? Rien ne permet de souscrire à cette opinion au demeurant fort optimiste. Car le système colonial établi au XVIe siècle, suppose l'exclusion de l'Indien de la culture occidentale. Il implique le maintien du colonisé dans un état d'infériorité culturelle qui le livre au contrôle absolu du colonisateur. Et partout où il demeure encore en vigueur de nos jours, ce système continue de marginaliser la population indienne pour la mieux soumettre à une forme archaïque d'exploitation. Le problème indien n'est donc pas le problème d'une ethnie attardée dans ses coutumes millénaires : c'est celui d'une catégorie sociale opprimée. Ce problème, il faut avoir l'audace de le poser au niveau où il doit l'être, c'est-à-dire, au niveau politique. Telle est la conclusion suggérée par l'étude des rapports que depuis quatre cent cinquante ans les Tzotzil-Tzeltal du Mexique méridional entretiennent avec les descendants de leurs conquérants espagnols, par l'analyse des changements qu'ils ont provoqués au sein de l'organisation sociale traditionnelle de ce grand groupe maya, et par l'examen des tentatives ambigües de réaction et de réorganisation qu'ils ont suscitées jusqu'à présent.
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