La lecture de Chambres de bonnes laisse sur une impression
qui ne risque pas de se dissiper de sitôt ! Alexandre Mathis
y renoue en effet avec l'une des traditions les plus hautes, mais aussi
les plus rares, de la littérature française : celle qui consiste à dévoiler,
par-delà les apparences, la réalité secrète des êtres et des choses.
Tradition fondamentalement romantique, que l'on pourrait faire
remonter à Balzac, mais qui a souvent été tenue en suspicion
au pays de Descartes. Nul doute qu'André Breton eût salué
comme il le méritait ce roman où les intrigues entraînent le lecteur
dans un prodigieux labyrinthe mental, dans lequel une méticuleuse
précision topographique débouche paradoxalement
sur une géographie fantastique, digne des gravures de Meryon
ou des décors du Cabinet du docteur Caligari, et où les personnages
semblent être comme la projection de leur double inavouable...
Romantique, mais peut-être plus encore expressionniste, ce roman
noir - noir comme l'encre de certains dessins de Victor Hugo,
noir comme l'humeur de la mélancolie, noir comme les châteaux du
marquis de Sade - rouvre en quelque sorte la chambre de Barbe-Bleue,
à moins que ce ne soit la camera oscura d'où Méliès fit sourdre
ses songes enchantés. Mais le songe, ici, est un cauchemar,
dont le papillotement évoque le déroulement d'un film dans une salle
de quartier, devant la croix de Malte, et de la projection duquel
le spectateur n'est jamais assuré de sortir indemne.
Car dans Chambres de bonnes comme dans Les Condors de Montfaucon,
le précédent roman d'Alexandre Mathis, la lumière est peut-être
plus mortifère encore que l'ombre... C'est dire que le lecteur restera
longtemps rêveur, une fois sa lecture achevée !
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