Avoir vécu à Pékin une manière de bonheur hors du temps dans
une Chine qui n'existe plus, balayée par la révolution culturelle ; y
revenir après plus de trente ans, quand on a décrit ce bonheur et cette
Chine dans un livre à succès puis qu'on a sombré dans l'oubli et la
médiocrité : tel est le destin du narrateur de cette Chambre noire,
imposteur sous la défroque trop grande pour lui de professeur, parmi
les étudiants - et les étudiantes ! - de l'Université de Pékin, d'une
littérature contemporaine dont il ne sait plus grand-chose.
Balançant entre nostalgie du passé et découverte hallucinée d'une
Chine qu'il ne reconnaît plus, ballotté entre trop de souvenirs de
femmes et de jeunes filles d'aujourd'hui qu'il regarde de trop près,
trop d'amis perdus et de passants indifférents, c'est avec un appareil
de photo au poing que le pitoyable héros de cette fuite en avant tente
de sauver ce qui peut l'être, accumulant les images et les visages, les
regards volés, les corps désirés.
Et si, pourtant, cette Chine en effervescence qu'un homme épuisé
vit de plus en plus passionnément et finit par raconter avec la même
passion, lui apportait une forme de rédemption ?
Après Le Sac du Palais d'été et Chine, le nouveau «roman chinois»
de Pierre-Jean Remy se lit autant comme une étonnante recherche
du temps perdu que comme un guide amoureux pour tous ceux
que fascine la Chine de toujours et d'aujourd'hui, ses mythes, ses
convulsions et ses prodigieuses mutations.
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