Il fallait qu’il y eût des Borgia, pour qu’on sût tout ce que fait la bête humaine quand elle est robuste et déchaînée. Ces Espagnols romanisés n’étaient point nés qu’on sache avec un autre cœur, avec une autre âme que le vulgaire. Leur longue habitude du crime ne les a pas déracinés tout à fait de l’humanité, à laquelle ils tiennent encore par des fibres saignantes. Les sentiments naturels éclatent en eux avec violence. Le pape Alexandre a des entrailles de père : devant le cadavre de son premier-né, il pleure comme un enfant et prie comme une femme. Sa fille Lucrèce est capable d’attachement et donne des larmes sincères à la mémoire de son second mari et à celle de son frère. Et si le plus dénaturé des Borgia, César, n’eut pas, dans toute sa vie, une lueur de pitié ni un éclair de tendresse, il montra dans la conduite de la guerre et dans l’administration des pays conquis un esprit d’ordre, de sagesse et de mesure qui atteste du moins une certaine beauté intellectuelle...
Notre société en renferme encore un très grand nombre. Ils sont de tempérament médiocre et craignent les gendarmes. C’est l’effet de la civilisation d’affaiblir peu à peu les énergies naturelles. Mais le fonds humain ne change pas, et ce fonds est âpre, égoïste, jaloux, sensuel, féroce...
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