Deux consciences se rencontrent que tout apparemment sépare, le
temps, l'espace, la culture, l'Histoire. Pourquoi Aimé Césaire se
reconnaît-il en Lautréamont, pourquoi l'Antillais natif du petit
rien ellipsoïdal proclame-t-il sa filiation avec le Montévidéen né
sur les rives américaines à l'embouchure de La Plata ?
Une mystérieuse connivence s'établit entre les deux poètes, l'un
dont la vie brève se déroule et s'achève sans l'ombre d'une image,
une mort sans traces ni témoins, laissant derrière lui une oeuvre
étrangement hors de l'Histoire, l'autre au contraire, un homme profondément ancré dans cette
Histoire, témoin de son siècle, acteur engagé, homme en qui [son] destin confond un instant
l'éclat de la parole et l'éclat de l'action.
Lautréamont et Césaire, les grands Expropriateurs, expriment tous deux dans les champs du
bestiaire et de la métamorphose, une vision tragique et exténuée que peut expliquer l'expérience
d'une profonde souffrance, à la fois existentielle et somatique - souffrance productive qui,
par sa vertu épuratrice, transforme le verbe poétique en un langage dissolvant et un plasma germinatif
sans équivalent (André Breton).
La nature de cette mystérieuse harmonie qui porte l'une vers l'autre ces deux consciences poétiques,
pourtant si éloignées l'une de l'autre ? - nous sommes tentés de répondre : la souffrance.
Lautréamont nous le crie obstinément et Césaire le proclame : de quelle taiseuse
douleur choisir d'être le tambour...
Alors, pourquoi ne pas les croire ?
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