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Est-il imaginable que la psychanalyse soit demeurée indemne du désastre engendré par le nazisme ? Outre l’émigration d’Est en Ouest de ses foyers vivants et la profonde modification du milieu d’origine de cette pensée et de cette pratique, l’atteinte provoquée par l’implacable bouleversement du socle culturel et langagier sur lequel reposait la théorie psychanalytique donne lieu tout d’abord à l’émergence d’une lutte pied à pied contre les fondements biologiques de l’identité et la « naturalité » de la race et du sol prôné par le nazisme. Puis, cette lutte laisse la place à un mouvement qui associe progressivement l’humanisation de la méthode, l’intersubjectivisme et la co-narrativité. Prenant pour voie d’entrée l’« indicible trauma », la réflexion analytique se penche dès lors majoritairement sur la pathologie des victimes. L’apparition de l’Ego Psychology, le retour au modèle traumatique (validé par la matérialité des faits historiques), l’omission du « délire de masse » tel que Freud et les analystes de l’immédiat-après-guerre l’envisageaient : les psychanalystes ont-ils pris la pleine mesure de la désorientation, clinique et théorique, infligée à leur propre champ par le déchaînement nazi ?