Longtemps ses dessins furent jugés impubliables par les rédactions
parisiennes. Jusqu'au jour où Pierre Fournier poussa la porte de
Hara-Kiri, qui lui offrit sa première tribune. Il rêvait alors de devenir
un grand dessinateur, mais «pas humoristique». Il voulait aussi retourner
dans la montagne de sa Savoie natale pour y élever des vaches.
Dans Charlie Hebdo, il fut le premier à hurler contre tous les pollueurs,
des pétroliers du Torrey Canyon aux chimistes de l'agroalimentaire, des
bétonneurs aux promoteurs du 100 % nucléaire. Sa résistance ne s'appelait
pas encore écologique, il devint pourtant le porte-parole de nombreux
contestataires d'après 1968. Bientôt à l'étroit dans les pages de Charlie Hebdo,
il dirigea son propre mensuel en novembre 1972 : La Gueule ouverte, sous-titré
«le journal qui annonce la fin du monde».
Tandis que les manifestations anti-atomiques se succédaient en
réunissant des milliers de personnes dans toute la France, Fournier mourut
subitement d'une crise cardiaque. Il avait trente-six ans.
Peu avant, entraîné dans ce combat militant harassant, il avait songé à
revenir à sa véritable passion : le dessin. Pendant cinq ans il avait accumulé
des carnets de toute taille. Pris sur le vif dans le métro, dans les bars, dans
sa famille ou en pleine nature, les dessins de cette époque restèrent enfermés
trente ans dans des caisses. Les voici donc enfin visibles.
Dans la première partie de ce Cahier, Danielle Fournier, son épouse,
retrace la vie de ce visionnaire inspiré et véhément qui cachait un dessinateur
intimiste, à l'inspiration déroutante.
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