Le désir d'ailleurs, la nécessité de s'installer au coeur des paysages et des cultures les
plus divers semblent essentiels à la vie autant qu'à l'art de Miquel Barceló.
Considéré aujourd'hui comme un des artistes les plus importants de son époque, il
entame une trajectoire fulgurante, dans les années soixante-dix, en quittant l'île de
Majorque pour Barcelone, Paris, Naples, Rome ou New York. Il découvre
l'Afrique en 1988, parcourant le Mali, le Sénégal et le Burkina Faso : elle devient,
avec Paris et Majorque, un des lieux fondamentaux de sa création, et le but de
séjours fréquents.
Gao, Ségou, Gogoli, au pays dogon : lieux où la vie n'a, par la force des choses, et
des éléments, rien d'ordinaire, lieux de retraite, c'est-à-dire de confrontation avec
soi-même comme avec le monde.
C'est que l'affrontement est au coeur de la peinture de Barceló : réalité qu'il faut
véritablement arracher, disputer au désordre de la vie, à la résistance des matériaux,
à la luxuriance aussi fascinante que redoutable de la nature.
C'est le récit, ou le livre de raison, de cette expérience que Barceló donne ici pour la
première fois dans son intégralité. Le désir, la lecture, les maladies et les blessures
physiques, les doutes, les risques, les affres et les quelques moments de certitude ou
d'enthousiasme de la création en sont la matière.
Voici donc des carnets écrits le dos tourné au vent, ou à même le sol de terre battue,
les pages voilées de sable ou dévorées par les termites, l'encre et la couleur séchées
par la chaleur asphyxiante... Ils offrent, avec une intransigeance et une lucidité
remarquables, la relation d'une traversée où l'oeuvre est l'expression presque organique
de la vie, dans les tourbillons d'une poussière venue du désert et un paysage
où la lumière même semble devenue tangible.
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