Un esprit dangereux
Son adhésion dépourvue de repentir au nazisme vaut au théoricien politique Carl Schmitt (1888-1985) de partager l'odeur de soufre du philosophie Heidegger. Ce passé sinistre aurait dû le condamner à l'oubli. Or sa mort précéda sa renaissance.
Ce représentant de la droite autoritaire extrême privé de toute chaire universitaire est désormais considéré comme l'un des principaux penseurs politiques des deux derniers tiers du XXe siècle. Tout comme Heidegger a conservé l'amitié de Hannah Arendt, Carl Schmitt, qui se voulait « juriste officiel du Troisième Reich », a exercé après 1945, une profonde influence sur les secteurs idéologiques les plus divers. Connu auparavant pour son refus de soumettre l'État à l'éthique et à l'économie, pour affirmer au contraire son autonomie inscrite dans sa capacité illimitée de décision, Schmitt a pris un autre visage après la Seconde Guerre mondiale. Rompant l'ostracisme qui le frappait, certains ont alors isolé et radicalisé ses concepts pour les transformer en armes contre la démocratie libérale, tandis que d'autres l'ont fait, à l'inverse, pour la libéraliser à l'extrême et refouler l'État dans un esprit « libertaire » proche de la logique présente de la mondialisation.
Cet ouvrage dépasse la controverse classique et ressassée sur Carl Schmitt pour se concentrer sur ce second aspect de la réception de sa pensée d'après 1945.
Promue au rang de « standard » dans le monde anglo-saxon, cette étude pénétrante de Jan-Werner Müller apporte au public francophone une lumière inédite sur un penseur transformé en objet de fascination intellectuelle.
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