Dirigé par Marc Crépon.
Comme Nietzsche le dit à plusieurs reprises : la lecture de son oeuvre n?est pas de celles dont on sort sans que rien n?ait changé. Et ceci est d?autant plus vrai que rien de ce qu?elle prophétise ou annonce ne s?est définitivement accompli. Nous ne sommes pas sortis de ce qu?elle décrit, que ce soit l?épuisement de la démocratie, les différentes formes de réactions au nihilisme qui ne font que le perpétuer (comme tous les extrémismes), la résistance, plus ou moins déguisée, des valeurs imposées par le christianisme. Nous n?échappons pas davantage à ce qu?elle prescrit : notre rapport au savoir (et notamment à la science) est loin d?être clarifié. Le signe le plus probant de cette actualité des questions nietzschéennes est que, pas plus que cette oeuvre n?appartient aux nietzschéens, elle ne laisse aucun courant philosophique, aucune école indifférente.
Mais s?il reste ce « philosophe d?avenir » qu?il voulait être, c?est aussi que son oeuvre interroge, dans ses différentes articulations, la coexistence, au sein de la même pensée, des trois types de régime entre lequels se partage le discours philosophique : descriptif, prescriptif et programmatique ou prophétique. Lisant Nietzsche, nous n?héritons pas seulement de ce qu?il décrit, et de ce que cette description prescrit. Nous prenons aussi la mesure de ce qu?il annonce. Sans doute, par sa critique radicale de toute téléologie, il porte un coup décisif à tout ce que la philosophie a pu promettre : le salut, la révolution. Mais pour autant, il ne renonce pas à toute prophétie d?une nouvelle époque ouverte par sa pensée. Ce qu?il décrit et prescrit trouve son sens ultime dans un temps à venir, qui advient une fois que son oeuvre a coupé en deux l?histoire de l?humanité.
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