La présente étude se propose de revisiter tout autant que de questionner
une doxa, celle d'un Bossuet à la voix tonnante, au verbe
triomphant. Apparemment monolithique, le discours de Bossuet se
révèle en effet parcouru par de multiples tensions.
Poursuivant le rêve toujours réaffirmé d'une vérité universelle qui,
intrinsèquement dotée d'autorité, n'aurait besoin que d'être énoncée,
exposée, pour convaincre, Bossuet renonce en pratique à cette «anti-éloquence»
et développe dans la majeure partie de son oeuvre une
argumentation se voulant, non sans paradoxe, construction d'immédiateté.
Il élabore ainsi une rhétorique «anti-conversationnelle» : discours
de combat, et non de débat ; de conversion, et non de conversation.
Pourtant, l'intimidation laisse bien souvent place à la construction
d'un consensus (homonoia) - et l'affirmation du je à son effacement.
Au pathos ouvertement autoritaire de la «pastorale de la peur» répond
ainsi un pathos de la communion, trouvant son aboutissement dans ce
sublime si souvent associé à la figure de «l'aigle de Meaux». Surtout,
tout en multipliant les postures d'autorité, Bossuet voit finalement sa
propre image se dissoudre dans sa labilité même : il se donne dès lors
pour le simple porte-parole d'une Voix (ou de multiples voix) qui le
transcende(nt), dépossédé plus encore qu'inspiré, relais imparfait tendant
en vain vers une pure transparence.
La véhémence de Bossuet et la puissance de son ton impérieux peuvent
dès lors être comprises, non comme une mise en scène du je en
majesté, mais comme une tentative d'imposer, dans un monde que
l'unité et l'immuabilité ont déserté, la seule autorité possible : celle,
foncièrement déficiente, de la médiation.
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