En 1956, la catastrophe du Bois du Cazier - un important charbonnage du Pays Noir (nom significatif donné à la région de Charleroi) - a endeuillé non seulement la Belgique mais également plusieurs régions d'Italie dont de nombreux mineurs étaient originaires.
Jean Louvet et Marie-Louise De Roeck nous restituent la tragédie en quatre temps : une réunion syndicale qui soulève pas mal de problèmes ; une visite médicale qui met en lumière le peu de considération pour les travailleurs ; les dessous d'une catastrophe annoncée ; et enfin le procès mettant en évidence la dilution des responsabilités, le manque flagrant de prévoyance et la prédominance des querelles d'experts face aux drames humains qu'une telle catastrophe engendre.
Pas de jugement explicite de la part des auteurs, pas de sensiblerie non plus. Mais un rappel des faits essentiels dans une forme dramaturgique sobre et efficace faisant oeuvre de mémoire pour les jeunes générations invitées non seulement à lire cette pièce, mais aussi à transiter par la scène pour s'investir concrètement dans cette quête de leurs racines.
Maître Collinet
: On a dit que cent morts constituaient une statistique. J'ai pour devoir de vous rappeler que les quatre-vingt-quatre veuves, les cinquante-cinq parents, les cent quatre-vingt-deux orphelins... ces trois cent vingt et une personnes constituent, elles aussi, une statistique. La somme scientifique des expertises et des contre-expertises a contribué à mettre dans l'ombre une autre somme, celle des souffrances éprouvées au mois d'août 56. ... Quatorze jours de souffrance. Ce que le poète Dante a imaginé dans sa Divine Comédie, plus précisément dans L'Enfer, pas loin d'ici, de Charleroi à Marcinelle, sous nos pieds, des hommes l'ont vécu.
Avocats des parties civiles, nous avons tenté de traduire par des valeurs limitées une horreur qui est sans limite. Je vous confie le bien de ces malheureux au nom des parents, des veuves, des orphelins.
Gérard Delaye
: On ne pouvait pas prévoir que l'huile était dangereuse.
Maître Lebeau
: En six mois, on a récupéré vingt-quatre fûts d'huile de deux cents litres provenant de pertes de la balance. Estimez-vous ces fuites normales ?
Pierre Brisson
: Les joints ne sont pas étanches. Je maintiens ma version. On ne pouvait pas savoir que l'huile était une source de danger.
Dacos
: Il n'est pas admissible que des ingénieurs ignorent que l'huile brûle. Il y a cinquante-cinq ans que l'on sait que l'huile est un combustible. J'ai la certitude humaine que l'incendie aurait été évité si ...
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