Histoire de bestiaire(s) - "Sors de l'arche, toi et ta femme, tes fils et les femmes de tes fils avec toi. Tous les animaux qui sont avec toi, tout ce qui est chair en fait d'oiseaux, de bestiaux et de tout ce qui rampe sur la terre, fais-les sortir avec toi : qu'ils pullulent sur la terre, qu'ils soient féconds et multiplient sur la terre." (Genèse, 8, 16-17)
Ainsi parla Dieu à Noé, il y a assez longtemps, au sommet pointu du mont d'Ararat, quand le temps fut à nouveau au beau et la terre ressuyée. De l'arche périlleusement perchée, bondirent puis se dispersèrent tous les animaux de la Création, suivis de loin par leurs peintres et par leurs poètes, courbaturés - il faut bien le dire - par quarante jours de bourlingue inconfortable. Tôt distancés puis semés, il ne leur resta plus qu'à consigner les images, les formes, les légendes et les noms collectionnés en cours de croisière. Parfois ils inventaient. Ce fut le premier inventaire connu de tout ce qui nage, rampe, bondit et vole, en vrai ou en rêve, de par le vaste monde. Ce fut le premier bestiaire. Et combien d'autres s'ensuivirent, enluminés, illuminés de merveilles, où apprirent à lire l'univers les hommes curieux.
Dernière ménagerie en date, cette arche de Noé en encre et papier où se donnent à voir matous de gouttière, lapins-crapauds, sirènes-escargots, taureaux-sphinx, poètes-chats. Et parfois un insecte du soir.
Anne Certain
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