Balancé dans les cordes
« Ma mère dit que je ressemble à mon père. Elle est tombée enceinte de lui à 17 ans.
Et puis il s'est barré et elle s'est retrouvée comme une conne avec moi. "Faire un gosse avec un gitan, quelle idée de merde !" C'est ce que mon oncle m'a répété toute ma vie.
Je n'ai pas toujours habité ici. Jusqu'à mes 11 ans, je vivais dans un petit appartement dans le 10e arrondissement de Paris. Mais ma mère a perdu son travail et n'en a jamais retrouvé un. Mon oncle nous a pris en charge. Déménagement derrière la porte de la Chapelle. Puis au nord d'Auber. Toujours au milieu des blocks. Le choc. Le premier jour d'école là-bas, je suis rentré avec le nez en sang. Ma mère, abrutie par les médocs, se foutait que son fils prenne des trempes. En fait, avec le recul, je crois qu'elle ne s'en rendait même pas compte.
J'avais beau être très grand pour mon âge, je me faisais systématiquement masser les joues par la bande des sales gosses du quartier. De vrais salopards qui jouaient déjà les caïds, issus d'authentiques familles de cas sociaux : pères en prison, frères obsédés par la fixette au point de braquer le tabac du coin avec une hache, mères et soeurs dont les semaines étaient rythmées par les visites aux parloirs. La zone pour de vrai, sans sas de décompression. Tous les soirs à chialer seul dans ma chambre, jusqu'à ce que mon oncle remarque, un jour, mon visage tuméfié. Il ne dit rien à ma mère et se contente de me glisser une petite tape à la joue en me murmurant à l'oreille : "Ça va aller bonhomme."
Le lendemain, il me fait enfiler un short et des baskets. »
Balancé dans les cordes est le second roman de Jérémie Guez, l'auteur de Paris la nuit.
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