Awa
Dans une rue en chantier aux trottoirs défoncés vit nue, été comme hiver, Éva, Ève ou Awa, la jeune fille noire vagabonde, nue et pure face à un monde caniculaire basculant dans la révolte et le chaos. La brisera-t-il ? L'amour sera-t-il toujours une issue, un ancrage ?
« Awa ne savait pourquoi sa mémoire se heurtait implacablement aux portes battantes d'une cabine téléphonique qui n'existait plus, et ne voulait pas la conduire au-delà, comme si les lieux les plus éloignés de son enfance lui étaient formellement interdits. Interdit aussi le prénom que sa mère lui avait donné : comment avait-elle pu l'oublier ? Elle se sentait coupable. Peut-on se nommer soi-même ? Elle s'était souvent interrogée sans trouver de réponse susceptible d'apaiser ni sa peine, ni sa conscience, butant sur la double énigme de son nom et de sa date de naissance. Il lui fallait accepter l'éternel exil de la douceur maternelle, bercer la douleur de l'absence jusqu'à ce que, définitivement, elle s'endormît. Mais elle devait regarder devant elle, se dit Awa, résolue. Comme sur ce vélo qu'une fillette lui avait prêté dans le bois, demeurer toujours en mouvement pour maintenir l'équilibre : le dos droit, les yeux dirigés vers l'avenir. Pour Thomas qui l'avait élevée, pour sa mère à qui elle devait la vie, pour la vieille qui l'aimait avec les yeux, elle se promit de ne plus se laisser aller, elle se jura de vivre, de devenir femme. Elle était pleinement Awa, dressée, verticale, à la face du monde. »
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