De ce commerce où le dictionnaire cache des forêts sombres, des
périples, des dérives, des îles mystérieuses, un sang d'encre et de sons,
le voyageur ramène ici des clichés de chambre noire, tracés où la lumière
n'est rien sans l'ombre qui lui donne sens, et qui disent l'intime comme
le multiple. Et l'aventure c'est peut-être de faire que ces clichés ne se
figent et ne deviennent la poix des mots et l'échec des photos. Il faut
alors chercher la passe dans la passion lexicale des navigateurs qui font
parfois escale dans des chambres qui sont des îles, chambres noires où
la lampe des aurores et des révolutions est aussi celle du désir et celle qui
permet la lente montée des images. Et passent héroïnes fragiles ou
décidées, héros inoxydables à la Jules Verne, Roland furieux, Alice dans
la nuit du chasseur. Car dans le tangage du langage où nous découvrons
les mots de passe qui permettent d'échapper aux naufrages (et au pire
qui est de rester au port) ou d'y survivre - le naufragé transforme par
des mots délavés sa dérive en périple - nous traversons romans, salles
obscures et images, tout ce que la poésie peut carotter dans son forage.
Arrivent alors les forêts obscures, les nuits et les îles de l'exil, et les
fuseaux du temps qui fuit. Mais toute aventure est la trace d'une
traduction permanente, un trafic des mots métissés qui ignorent les
frontières, les ostracismes, les déportations et les reconductions, et
ouvrent une histoire qui ne s'arrête pas au cadran de la montre ni au
cadran solaire. C. K.
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