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C'était Nuk, d'abord, qui avait fait prendre en haine à Jacques, et dès l'enfance, la vie polaire dont il illustrait toute l'abjection. Jamais le garçon n'avait pu s'enflammer, comme l'eût voulu son âge, pour les chasses intrépides de l'Esquimau, ses randonnées surhumaines, parce qu'un moment arrivait toujours, dans l'épopée, où reparaissait la bestialité du sauvage, que Philippe Fertray complaisamment, étalait. Car l'explorateur, si académique dans ses conférences et ses livres, barbouillait volontiers, dans l'intimité, les images les plus crues de la vie boréale. Il dépeignait, avec une allégresse impertinente et gaillarde, la sentine des igloos empestés, leurs odeurs nauséabondes, leur promiscuité sordide, les maladies du Nord et leurs remèdes répugnants, les besoins satisfaits en commun, jusqu'à ce que sa femme eût crié, scandalisée et amusée à la fois : « Mais tu es dégoûtant ! », que son fils repoussât son assiette et refusât de manger. C'était tout le côté animal de la vie de découvreur polaire que les gestes de Nuk, son odeur, son contact, ses gencives dénudées par le scorbut avaient imposé à l'enfance de Jacques, à son adolescence. Son père ne rappelait ces horreurs que pour attester qu'il en avait triomphé, sa mère admirait avec des cris de pitié, tandis que le fils se raidissait, rougissant de honte, comme s'ils s'étaient tous deux ravalés devant lui. Maintenant qu'il était devenu homme, il avait peine à désarmer, et sa justice, devant le cadavre, n'allait point plus loin que la pensée : « Il est mort : je n'ai plus le droit de le détester. »