« Moi je ne suis rien, je suis Francis Picabia. » C'est dans cette tension entre exaltation et rejet du moi que l'artiste a indiqué sa position dans la modernité. Son refus de l'action collective s'est exprimé au coeur de la Grande Guerre dans une oeuvre centrée non pas sur l'histoire ni sur des problèmes plastiques, mais sur le moi.
Aujourd'hui pense à moi prend le pari que son sujet est également son outil d'analyse et qu'il se nomme Ego. Couvrant une période qui va de l'abstraction de 1913 chez Picabia jusqu'à sa peinture maximaliste dite des Monstres entre 1924 et 1927, ce livre révise certaines des certitudes les mieux établies sur l'oeuvre et propose de voir dans la formalisation de l'ego un processus clé de la modernité, producteur de ses propres ruptures. Articulé à l'analyse freudienne de la mélancolie, ego devient une procédure conceptuelle qui contraint à reposer l'ancienne problématique mimétique.
« On ne peut mettre dans le coffre la clé qui ouvre le coffre » nous dit l'historien. C'est pourtant ce que l'art de Picabia - ce coffre à double fond - systématisa. Face à la menace de la mécanisation définitive de l'art (dont les images produites aujourd'hui à l'ère du capitalisme narcissique sont les surgeons directs), sa réponse en forme de répétition mélancolique résida dans le détournement occulte de l'image.
« Moi je ne suis rien, je suis Francis Picabia. » Ce livre s'attache à montrer les enjeux de cet aveu en forme de nom propre dans la modernité.
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