Eugène Le Roy (1836-1907)
"Sur le haut plateau rocheux, la vieille bastille royale de Montglat-du-Périgord était assoupie. Midi venait de sonner à la « Maison des Consuls », aujourd’hui la mairie. Un lourd soleil de juillet tombait d’aplomb sur les « tuilées » de pierres plates, et inondait d’une lumière crue les rues régulièrement tracées au cordeau qui se coupent à angle droit. Le long des maisons, une étroite lisière d’ombre se dessinait, suivie parfois par un chat rôdeur qui craignait de s’échauder les pattes aux cailloux brûlants du pavé. Sur la place encadrée d’arcades ogivales, près de la halle aux piliers de pierre rongés par le temps, des poules vautrées dans la poussière ouvraient languissamment le bec. Dans la ceinture de ses remparts aux pierres de grand appareil roussies par le soleil des siècles, l’ancienne ville franche cuisait en silence. À peine oyait-on quelques bruits légers : les cris aigus des martinets, tombant affaiblis des hauteurs du ciel d’un bleu intense, et le susurrement des cigales collées aux troncs des tilleuls de la promenade de la Croze, qui borde les rochers à pic, à quatre cents pieds au-dessus de la Dordogne aux eaux bleues. Dans le voisinage, le ronflement d’une meule à repasser semblait la respiration de la petite ville endormie. Ce bruit venait d’une boutique de la rue du Grel, ouverte en large ogive avec un taulier et une coupée, au-dessus de laquelle était fixé, à mode d’enseigne, un énorme couteau périgordin à lame aiguë, au manche de corne rouge terminé en forme de botte."
Recueil de 4 nouvelles périgourdines :
"La belle coutelière" - "Roquejoffre" - "La gent Agrafeil" - "Dom Gérémus".
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