C'est facile de mentir. Je passe quatre-vingt-quinze pour cent de mes
journées à fabuler. C'est le lot des satyres. Je ne peux pas parler de mes
goûts, ni partager mes opinions à titre conversationnel, ni agir selon mes
puisions, ni m'imaginer une seconde que je suis raisonnable, ou à l'abri,
ailleurs que dans mon crâne effrayé, surchauffé, parfaitement logique.
Ce n'est pas une question de temps. Je n'attends pas mon heure. Si tel
était le cas, cela reviendrait à tirer la chasse sur tout ce que je suis en
train de faire. Et je n'ai pas de temps à perdre. C'est impossible. Je rends
ma vie vivable. Comme tout un chacun.
La réalité est là, saignante et crue, triée avec une prédilection certaine pour les faits-divers
hautement transgressifs relevés au cours de plongées dans les bas-fonds de la
société américaine. Ici, nous sommes dans l'innommable, mais dans le solide,
l'indiscutable. La présence de l'auteur révèle, en même temps que sa fascination évidente
pour la violence sexuelle quotidienne et ses sources obscures, une révolte instinctive et
comme incontrôlée, à la fois contre la nature humaine et contre ses propres pulsions.
Révolte qui fait le prix de ce livre inclassable. Le lecteur averti ressortira durablement
troublé de cette exploration vertigineuse. Pour les autres, n'hésitons pas à leur conseiller
de détourner pudiquement leur regard. Une fois de plus, répétons que nous les
comprenons ; les lectures consolantes ont aussi droit de cité (elles en usent d'ailleurs sans
modération). Mais il y a les autres. Que nous nous devons de défendre aussi. Sade déjà
disait. «Je ne suis pas consolant, moi, je suis vrai.»
Jean-Jacques Pauvert
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