« Carolyn Carlson est, depuis toujours, foncièrement, intrinsèquement et pleinement poète.
Et, de grâce, qu'on en accorde pas à cette appellation la valeur molle et complaisante qu'on lui attribue trop souvent. Être poète ce n'est pas, quoi ? Une particulière disposition à la sensibilité, être rêveur, contemplatif, amant des belles choses, ou se montrer un élégant musicien des mots.
Quant à moi, je n'emploie pas le mot à la légère et c'est d'une chose autrement plus grave qu'il s'agit : est poète qui voue sa vie, sa vie entière, sans compromis, à un questionnement radical, à la scrutation obstinée des raisons et des moyens de l'existence hors des discours bavards qu'on en fait, sans égard pour les réponses morales, idéologiques, religieuses qu'on oppose à l'énigme et qui closent le débat. C'est s'adonner, à ses risques et périls, à cette plus-value du sens qui défait tout savoir et régénère incessamment la vie en l'ouvrant à son mystère irréductible. C'est en ce sens que je dis que Carlson est d'abord et en tout essentiellement poète.
Il s'ensuit cette vérité, qui est la réalité de sa vie : tout ce qu'elle a fait, fait ou fera, tous les signes qu'elle crée pour retourner les apparences et révéler les infinis visages du mystère, tout cela est poésie, haute poésie. Qu'importent alors les moyens ou les supports, corps, gestes, espaces sculptés et traversés, papiers, encres, poèmes. Ce ne sont là que des traces du passage de la poésie, de ses formes visibles et donc partageables. »
J.-P. Siméon
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