Notre société connaît une mutation vertigineuse des modes de communication : chacun peut contacter chacun à tout instant et attend en retour une réponse immédiate. Un immense réseau nous mobilise, qui crée une dépendance grandissante en matière de « connexion », encourageant une posture de zapping qui génère une attention multifocale, mais aussi une tension nerveuse, elle-même source de déficit attentionnel. Destruction de l'écologie de l'attention (Stiegler) ou plasticité créatrice (Lévy) ?
Porter son attention sur l'attention, voilà l'urgence de notre humanisation contemporaine. Les sciences l'ont compris, qui depuis plus d'un siècle multiplient les travaux en psychologie et en neurosciences sur cette fonction globale, qui forme un réseau intégré transversal où jouent perception, mémoire, veille, émotion et décision. Quel rôle peut y jouer la phénoménologie ? Comparée aux autres approches philosophiques, elle possède ce privilège de tenir en un regard ouvert sur le monde : par son retour à l'expérience, elle fait alliance avec la visée expérimentale des sciences et, par sa méthode de suspension, elle entre en contact avec une quête contemplative qui est prise de recul. Elle joue ainsi un rôle charnière pour repenser l'attention en en faisant une expérience d'ouverture au monde davantage qu'un état mental interne. La phénoménologie apporte quelque chose d'inédit : une éthique de l'attention, qui réforme celle-ci en « vigilance ».
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