La singularité la plus frappante de la philosophie d’Aristote est que, pour la toute première fois dans l’histoire de la pensée occidentale, elle institue avec la plus grande rigueur la pratique humaine dans son autonomie, tant vis-à-vis de la théorie que vis-à-vis de la technique. La rationalité des « choses humaines » - c’est-à-dire celle du monde auquel nous sommes, pour autant qu’il est configuré jusque dans son sens par notre pratique éthique et politique - ne relève en effet pour lui ni de la connaissance théorique des causes de ce qui est, ni d’un quelconque savoir-faire techniquement efficace ou rhétoriquement persuasif. Pratique, politique et bonheur humain s’articulent dès lors en une constellation de sens radicalement différente de celles que Platon, d’une part, et les sophistes, d’autre part, avaient pu mettre en place, sous l’égide, pour le premier, de la sagesse théorique et, pour les seconds, de la compétence langagière. C’est cette constellation que le présent volume entreprend de parcourir. On entrecroise ici les thèmes directeurs de la praxis, du langage, du savoir politique et du bonheur humain. Cet entrecroisement permet de cerner les contours de la conception aristotélicienne de la « vérité pratique » et des modes du langage susceptibles de la dire au plus juste et de la faire partager. L’ordre spécifique du bonheur humain s’en trouve éclairé, ainsi que le rapport entre ce bonheur et les vertus, ou entre l’essence et le « type » dans le domaine de la connaissance pratique. Au bout du compte, c’est bien l’expérience d’une certaine sensibilité du langage philosophique à la spécificité de la pratique humaine que la lecture d’Aristote nous engage à redécouvrir et à refaire, chaque fois, à nouveaux frais.
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